A 2h15 du matin, mon téléphone sonna. Il était temps de me lever: les shuttles étaient prévus dans les prochaines 45 minutes. J’eu du mal à émerger. L’adrenaline de la veille avait empêché mon sommeil de s’installer après ma douche froide, et une fois endormie (pour une période qui n’avait pas pu excéder une heure) il était deja temps de se réveiller… J’avais pourtant l’habitude des nuits blanches et du manque de sommeil: à Marseille Wary, et sa soeur Yaya, venaient généralement me récupérer en voiture à 1h du matin pour aller en boite – nous faisions notre entrée remarquée sur la piste de dance vers 1h30, et nous rentrions pile à l’heure pour récupérer des croissants et pains au chocolat à la boulangerie de la gavotte. J’enchainais parfois même ces nuits blanches avec des matinées de ménages avec ma bff Sana. Plus tard, après un bon déjeuner, une petite sieste suffisait à me requinquer, et une baignade à l’Estaque avec Gina, à complètement revigorer mon énergie. Après dîner je m’endormais devant le film du soir puis me réveillais en sursaut quand Wary faisait sonné mon Nokia 3310 vers minuit pour me rappeler qu’elle viendrait me chercher dans l’heure suivante pour de nouvelles aventures… Tel était mon quotidien estival: à la fois festif et oisif, et surtout sans véritables soucis.
Mais depuis mon arrivée aux Etats-Unis, j’étais épuisée. Au début, j’avais mis cela sur le dos du décalage horaire, mais cet épuisement – sans doute psychologique – m’était resté. C’était sans doute l’air Californien qui me faisait ça… je me dirigeait tant bien que mal vers la salle de bain et commençait à me débarbouiller tout en pensant aux évènements de la veille. A chaque fois que je fermais les yeux, je revivais la sensation des lèvres de Kojo sur les miennes. Il me fallut toute ma force pour réouvrir les yeux et m’habiller. A 2h55, je pris l’ascenseur, en espérant y voir Kojo, mais ce ne fut pas le cas. Je déposai la clé de ma chambre à la réception de l’hôtel, et me dirigeais vers la sortie où un shuttle attendait les passagers de la veille. Je m’y et m’installais coté fenêtre. Dès lors, je vis Awa et Kojo sortir de l’hôtel, et se diriger vers le parking. Awa m’aperçut et me fit signe de la main, je lui renvoyai son sourire. Mes yeux croisèrent ceux de Kojo et mon coeur s’emballa. Je tournais mon regard de peur qu’il puisse voir au fond de mon âme. Le shuttle démarra alors qu’ils s’introduisaient dans la voiture.
Etais-ce le manque de sommeil ou la montée de dopamine qui projeta mon cerveau dans un état tel que j’en perdis pied? Surement un peu des deux: j’étais soudainement envahis d’un désir impassible, d’une envie de tout claquer, j’étais prête à tout lâcher… Le calme que m’avait procuré la douche froide quelques heures auparavant s’était maintenant dissipé – mon sang était de nouveau en ébullition…tout ça pour l’opportunité éphémère d’un nouveau baiser. Ma naiveté m’empêchait de réaliser qu’un acte aussi anodin ne faisait lieu d’engagement… a moins que… J’imaginais des scenarios dignes des idylles les plus langoureuses d’un roman Harlequin… mon coeur battait si fort dans ma cage thoracique que j’avais l’impression qu’il allait s’en déboîter. Les dix minutes nous séparant de l’hôtel à l aéroport me parurent interminables. Finalement, le bus s’arrêta. Je décidai de laisser les autres passagers sortir en premier. Dès ma sortie, je vis Awa: elle se dirigea vers mois a grand pas et me donna un hug. J’en avais vraiment besoin. Je lui souris:
– “How did you sleep”? Elle m’expliqua qu’elle avait dormi “like a baby” mais que c’était trop court; mais ce n’était pas trop grave car elle pourrait se rattraper dans l’avion.
-“What about you?” Je répondis calmement qu’avais eu du mal à aller dormir mais que j’allais aussi me rattraper dans l’avion. Pendant un instant, il y eut un silence – puis finalement, Kojo demanda à sa fille d’aller lui acheter un café puis alors qu’elle s’éloignait s’approcha et d’un air grave me demanda:
-“Can we talk?”. Il voulait me parler: que voulait-il me dire? Voulait-il que je claque tout pour rester vivre ici avec lui? Mais qui aller aider Awa à Paris pour sa correspondance? Mais qu’allais-je dire à ma famille en France? Je n’avais pas de sous, peut être je pourrais trouver un petit boulot…
-“Daphné?” La voix de Kojo me ramena sur terre.
-“I am sorry I am just a bit tired, what’s up?”
-“I wanted to apologize for yesterday.”
Ne sachant pas exactement pour quelle partie de la journée précédente il s’excusait je retorquais: –“Yesterday?” – impossible qu’il parlait de la galoche –
–“Well, I should not have kissed you.”
Il parlait de la galoche.
Il avait l’air embarassé. Nos yeux se croisèrent enfin et il me laissa prendre sa main; I whispered:
– “…but I liked it” bold.
[ He smiled, and bit his sexy lips] -“I liked it too;”– emporté pas la foule qui nous traîne, nous entraîne… – –“Listen…” il lacha ma main “You are an amazing young lady, with a bright future ahead of her, I am convinced of that! But even tho you are just sooo beautiful it wasn’t right. I should not have done it, do you know what I mean?”
– “Do you mean if I were older?”
Il sourit.
– “Please forgive me?”
Une partie de moi était anéantie. Qui a dit que l’embarras ne tuait pas? J’avais l’impression d être à la fin de ma vie*. En même temps, impossible de laisser ma déception transparaître – ma vulnérabilité prendre le dessus – sous peine encore une fois – d’hémorragie oculaire, comme le dirait Monsieur Solaar. Le temps paraissait s’être arrêté; peut être pouvait-il lire dans mes pensées? Il reitera:
– “Please forgive me?”, he begged.
–“I understand, and I accept your apology” franchement je understandais rien du tout mais que vouliez-vous que je dise sans perdre la face exactement, hein? “Maybe I’ll see you next lifetime?” fredonnais-je à la Erykah.
-“I love that song” Awa s’exclamait, un café à la main pour son père et un sac remplis de snacks dans l’autre.
“Where’s my change?”
“I love you, daddy!” Dit-t’elle avec sourire malicieux. “Come on let’s go, we are going to miss our flight!”
Il était l’heure d’embarquer: Kojo s’approcha et me remercia encore une fois de bien vouloir veiller sur Awa pendant ce voyage.
– “You are welcome”. Il me serra dans ses bras. J’embarquai la première, lui laissant quelques minutes d’intimité avec sa fille qui me rejoindrait très rapidement. Le souvenir de son corps contre le mien, ce corps à la fois athlétique et chaleureux, et ses lèvres délicieuses alimenteraient mes souvenirs pendant des années, les jour les jours la bonne humeur me ferait défaut ou que le mistral soufflerait à outrance. Awa, arriva quelques minutes plus tard et s’assit dans le siège à coté de moi. Elle s’endormie dans les 5 minutes qui suivirent sans meme écoute les consignes de sécurité.
Du hublot de l’avion, je regardais le terminal de LAX défiler à grande vitesse pendant notre envol… Je sortie mon mini dictionnaire, un stylo et le magasine Essence de mon sac a dos et commençait à décrypter ses articles.
FIN