LAX – Chapitre 1 (Short Story en 4 actes)

Nous arrivâmes à l’aéroport de LAX vers midi. Nous avions passé les trois dernières semaines à chercher l’homme dont le nom apparaissait sur mon acte de naissance, recherches vaines qui nous avaient menées jusqu’à San Francisco. Nous nous y étions rendus en autocar. En y repensant, je me demande maintenant pourquoi. Pourquoi n’avions-nous pas loué une voiture et conduit le long du pacifique? Pourquoi ne nous étions-nous pas laissés charmer par ses paysages formidables, au lieu de se taper 500 miles en bus? Sans doute une question d’argent… 

“Darling, I have to go now. Alberto is double parked and I can’t have him waiting on me for too long. You gon’ be ok, right?” Me laissait-elle le choix de ne pas l’être? Bien sûr que je pouvais me débrouiller seule. Après tout, j’avais bientôt 19 ans! Et d’ailleurs ne m’étais-je pas débrouillée seule avant ça? Quand lors de mon vol d’entrer sur le territoire américain je m’étais fait escorter, puis questionner par les officiers de l’immigration à mon escale d’Atlanta: 

Why are you here?” Pourquoi tant d’acharnement? Et pour quelles raisons avais été interrogée de la sorte? Moi qui pensais que mon passeport “Kainri” me préserverait de ce “genre de traitement”. On m’avait relâché juste à temps pour attraper ma correspondance.

– “Darling?”

Je souris 

– “Yes, I’m gonna be fine”.

“Ok then. You have a nice flight, and say hi to your mom and grandma for me!”

Elle me serra dans ses bras frêles, puis fit demi tour avant de s’évanouir dans la foule.

Je me retrouvais donc au milieu de l’aéroport de Los Angeles “LAX” avec ma valise et mon sac à dos. Je me dirigeais vers le comptoir d’enregistrement et confiais ma valise à l’agent d’escale, puis après obtention de mon billet m’avançait vers le waiting area, pour m’asseoir en attendant l’embarquement. Je commençai à feuilleter le dernier exemplaire d’Essence Magazine que j’avais acheté la semaine précédente et patiemment sauvegardé pour le vol. Sur la couverture, le regard envoûtant de la rappeuse Foxy Brown me fixait: m’était-il destiné ou était-ce une manière d’imposer sa beauté implacable au monde entier? Lésée par mon manque de vocabulaire, mon intérêt se transféra naturellement page après page en une multitude de femmes au milles complexions, de la cannelle au bois de cerisier, en passant par le cappuccino, leur coiffures variées et manucurées à souhait. Des beautés singulières, tant par leur diversité consciencieusement saupoudrée à travers les pages colorées du magasine que par la luminosité de leur regard franc et assuré. Des beautés qui pourtant ne trouvaient que rarement le chemin de magasines féminins français comme Biba ou encore 20 ans, d’où mon intérêt accru pour ce type de publications qui réconfortaient mon égo et me permettaient de sortir d’une invisibilité enracinée dans l’indifférence.

Au lycée, plusieurs fois le professeur de math m’avait confondu avec une autre élève qui ne me ressemblait aucunement. Chaque fois qu’il se trompait, et que je le reprenais, il prétextait que nous nous ressemblions comme des sœurs. Cependant, nos seules similarités se résumaient à l’intensité de nos complexités respectives et l’apparence texturielle de nos cheveux. Il arrivait pourtant à différencier Audrey et Nathalie, qui étaient des jumelles dizygotes. Sans pouvoir éloquemment l’articuler, ces lapsus récurrents qui au début m’interpellaient, s’étaient progressivement transformés en une frustration telle, qu’un jour en rentrant des cours j’attrapais une paire de ciseaux et coupait des années de pousse, priant après coup qu’une boite défrisant suffirait à me donner des airs d’Halle Berry.

Je survolais les pages, obnubilée par ces magnifiques photos de célébrités noires américaines, de modèles pour produits capillaires, cornant méticuleusement les pages sur lesquelles je retournerais une fois dans l’avion avec mon mini Larousse français-anglais; “Supermodel Tyra Banks tells us how she achieves and maintain her dynamic do’s” était sans équivoque l’un de ces articles… J’étais donc plongée dans mon étude préliminaire, quand un sentiment étrange et pénétrant m’envahit. Un homme, un regard pareil au regard des statues, assis près de moi, m’interpella d’une voix calme et grave. Était-ce la providence qui m’envoyait enfin un inconnu pour qui mon cœur transparent cesserait d’être un problème? Malgré les conseils de ma meilleure amie, je ne pus m’empêcher de lui sourire, avec un peu trop d’enjouement. Peut-être qu’en Amérique les règles de drague étaient différentes, qu’en savait-elle? Mon sourire l’encourageât sans doute à m’adresser la parole. Il commença par son prénom: Kojo. Je pensais à Jodeci. Cependant, ses intentions différaient des miennes: il avait juste besoin d’un service, à mon plus grand désarroi. Je compris qu’il était bien plus âgé que moi quand il m’informa que sa fille de 15 ans, Awa, prenait le même vol que moi. Kojo était originaire du Ghana; il avait récemment repris ses études d’ingénieur et conséquemment décidé d’envoyer cette dernière terminer sa scolarité là-bas, pour qu’elle soit plus encadrée et qu’il puisse se focaliser sur ses études. C’était la première fois que Awa prenait l’avion seule et il se demandait si j’aurai la gentillesse de jeter un coup d’œil sur elle et la diriger vers sa correspondance pour Accra à l’arrivée sur Paris, ou du moins jusqu’à ce que nos chemins se séparent. Comment aurais-je pu refuser à une bouche si parfaite? J’acceptait cette responsabilité, feignant un enthousiasme sans pareil et avec une conviction digne d’Hilary Banks, je lui assurais qu’il n’avait pas à s’inquiéter “Of course, don’t worry about it, she can stay with me”: une véritable américaine! 

Quelques minutes plus tard, Awa retournée du stand avec un sac remplit de friandises et chips en tout genre. Malgré sa grande taille et son air assuré, je reconnaissais bien après quelques échanges cette insouciance propre à l’adolescence. Une désinvolture familière, me rappelant qui j’étais n’il y a de ça que quelques années. En si peu de temps les choses avaient bien changées, et ces derniers temps les aspects de ma vie compliquée m’avaient responsabilisé et engendré en moi un fort désir d’appartenance.

Le vol avait du retard et après une demi heure d’attente, la compagnie nous annonça qu’un problème mécanique décalerait notre départ de quatre heures. Je dissimulai mon allégresse sous un soupir inquiet: quelques heures supplémentaires avec Kojo ne pouvait pas être si désagréable… Il s’approcha et m’annonça qu’au lieu d’attendre à l’aéroport, Awa et lui allaient à un barbecue chez un ami. J’eu un pincement de coeur… il en était peut être mieux ainsi.

“Oh ok, well have fun” désappointée, je m’apprête à retourner à mon siège quand Kojo m’interpella:

– “Hey, why don’t you come with us?”

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Published by French Girl In Brooklyn

A blog about #ME: The Self-declared Woman of a Rich Ethnical and Cultural Background moving through life with a very unique lense - #WRECB

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